Par Nathalie Leclerc le vendredi 8 août 2014, 18:04 - Lien permanent
Je souhaitais depuis un moment faire un article sur la période du New Look (1947-1957). Ce moment de l’histoire de la mode m'a toujours passionnée: formes princesses des robes, tissus luxueux qui faisaient échos à mes rêves de voyages et de princesses de petite fille. Certes un peu "régressif" par l'image de la femme qu'elle dégage, mais finalement qui nous rappelle tellement les belles tenues que l'on pouvait confectionner il y a fort longtemps.
Je profite donc d'une petite visite au Musée Galliera (exposition "les années 50") et mon élan suite à la vision de toutes ces belles choses pour vous en dire un peu plus sur cette décennie.
Comment cela a t-il commencé?
Les années de guerre (seconde guerre mondiale) ont été marquées par des restrictions à tous les niveaux. Alimentaires bien sûre, mais le manque d'argent et de produits divers obligeront les femmes à changer leur mode vestimentaire en optant pour des tenues plus courtes, droites et sans plis. Elles utiliseront des bouchons de bouteille (liège) pour fabriquer les talons compensés des chaussures. Avec peu de choses, les femmes essaieront de rester belles.
La silhouette de la femme est alors caractérisé péjorativement de « femme-soldat à la carrure de boxeuse » :-)
Après la guerre, en 1947, un nouveau couturier s'installera avenue Montaigne. Il s'appelle Christian Dior.
Son style et les vêtements qu'il propose alors sont une révolution: jupes amples et longues, tailles marquées à l’excès (donc retour de la corseterie), épaules menues et gorges avantageuses modélisent cette féminité nouvelle qui servira d’idéogramme pour toutes les années 50.
La collection scandalisera des deux cotés de l'atlantique suite à ces années de guerre où l'on se privait. Le contraste est flagrant: Dior utilise parfois jusqu’à 80mètres de tissu pour réaliser ses robes!
Cependant, sa collection sera un véritable succès auprès des femmes : trop contraintes pendant la guerre, elles aspirent au rêve, à la légèreté.
Il relancera ainsi la haute-couture française. Il représentera alors à lui seul 49% du CA des exportations de la couture française! Il créera à ce moment un véritable empire en inventant le premier le système de licence : Il permettra ainsi à des fabricants d'accessoires de griffer leurs produits de son nom, ces derniers lui reversant des royalties. Il développera également plusieurs parfums.
L’éditrice en chef du Harper's bazaar (Carmel Snow), en voyant sa première collection en 1947, s'exclamera: "It is such a new look!". Le style lancé par Christian Dior sera dorénavant appelé "New Look".
Ce style, ce sera la rupture avec les années de guerre, les années de rationnements, de jupes courtes et prêts du corps par manque de tissu, des épaules carrées, des tenues "pratiques". Le "New Look" ré-incarne la féminité dans toute son opulence et son épanouissement en rappelant les silhouettes des XVIIIème et XIXème siècles. Certes, d'autres décennies auront magnifiquement mis en valeur le corps des femmes: les années 30 grâce à des robes fourreau par exemple. Mais ici, Dior ne cherchera pas à dissimuler les hanches, la poitrine, ils les accentuera à travers les formes de ses vêtements.
Ci-dessus, le fameux tailleur bar de la première collection dite "Corolle" bien représentatif de la silhouette en sablier du style Dior, puis la robe Palmyre de 1957, chargée en tissus et en détails élégants (noeuds, plis, bustier).
La photo suivante est celle d'Eva Perron (Evita), présidente d'Argentine. Ses collections avaient un succès international. La photo à droite montre la façon de travailler de C. Dior: il modélise sur la personne et ne travaille pas à plat, en utilisant des mètres et des mètres de tissus et en le coupant le moins possible. Il était architecte de formation.
Ensuite
Les années 50 fûrent dominées par l'empire des couturiers masculins sur la mode qui fait de la féminité une expression sublime mais aussi une cage. Qui sont-ils? Jacques Fath, Balenciaga, Pierre Cartin, Givenchy pour les plus connus.
Mademoiselle Chanel s'insurgera contre cette mode qu'elle considère archaïque pour la femme et propose en 1954 à travers son fameux tailleur une silhouette androgyne qui annoncera les changements de la décennie a venir.
Caractéristique du New Look
Selon le Vogue américain, il met en avant la silhouette "seins-taille-hanche" dites "sablier: les vestes et les robes sont cintrées, les jupes amples sont sous les genoux, les bustes sont épanouis, les tailles fines, les hanches larges. La première robe bustier aux épaules arrondies est créé par Marcel Rochas.
Christian Dior quant à lui voulait créer des "femmes fleurs": une taille fine marquée, une poitrine ronde et haute, des épaules douces et étroite.
Après le New Look, les années 60, en réaction à cette mode, simplifient la silhouette en proposant des robes ultra-simples (robes "sacs" de Givenchy ou Courrèges).
Résultat
Un chic, un glamour, une opulence et un luxe des tenues et des tissus. Une féminité accentuée et une élégance mondaine. "je voulais que mes robes fussent "construites" moulées sur les courbes du corps féminin dont elles styliseraient le galbe. J'accusais la taille, le volume des hanches, je mis en valeur la poitrine. Pour donner plus de tenue a mes modèles, je fis doubler presque tous les tissus de percale ou de taffetas, renouant ainsi avec une tradition qui fut longtemps abandonnée."C. Dior, mémoires.
Ci-dessus, ré-interprétation des grands classiques de Dior lors d'une séance photo pour le magazine Dior de Jean-Baptiste Modino, avec Marion Cotillard.
A gauche, la petite robe Dior, à droite, le tailleur bar.
Aujourd'hui, les nouveaux créateurs ré-interprètent sans cesse l'esprit Dior: "une certaine classe, la nouveauté, la féminité".
De 1999 à 2011, John Galliano fera évoluer avec succès l'esprit de la maison Dior en gardant ses codes (générosité des matières et des détails, chic, silhouette en sablier) grâce à des mises en scènes impressionnantes (inspiration de l'opéra "Madame Butterfly", de l'origami Japonnais, des affiches de René Gruau, de l'univers anglais de Lady Grey, des dorures pharaoniques...). Rafs Simon retournera à ses fondamentaux en 2012 avec des robes bustiers et des volumes "Bar" (du nom du fameux ensemble des années 50).
Au-dessus, robe de la collection Egypte 2004 et 2 robes de la collection printemps-été 2007 de John Galliano pour Dior (Madame Butterfly).
En-dessous, robe de la collection John Galliano pour Dior Lady Grey, puis René Gruau (2011). A droite, Rafs Simon simplifie et épure les silhouettes.
Comment s'en inspirer et pour qui?
Personnellement, ce que je retiens du style Dior, c'est l'élégance et la mise en valeur des courbes féminines. L'acceptation de la femme telle qu'elle est. La recherche du détail et de la ligne. C'est l'image du travail bien fait, de la recherche de l'excellence et du rêve.
En trouvant des vêtements qui marquent la taille et mettant en valeur les hanches, on peut retrouver la silhouette "Dior"; en rajoutant des petits détails élégants sur ses tenues, des petits noeuds, des grosses ceintures larges Obi pour bien marquer la taille. En jouant la délicatesse et la douceur à travers les couleurs, et la générosité à travers l'abondance de tissus.
Dans notre catégorisation de morphologies, ce seront les physiques pyramides, avec leurs petites épaules rondes et fines et leurs hanches généreuses qui se retrouveront dans les silhouettes de l'époque et les huit avec plus de poitrine. Mais toutes les morphologies peuvent se créer une allure "Dior"!
Retrouvez notre sélection de robes d'inspiration années 50 sur cette page, des étoles apportant une touche très chic sur cette page, la ceinture obi sur celle-ci et les petits accessoires (noeuds, roses en broches) ici. Nous vous conseillons le boléro Ravel pour accompagner votre tenue: il est prêt du corps et met bien en valeur la taille.
Si ce style vous plaît ou vous inspire, l'exposition est encore visible jusqu'au 2 novembre, au Palais Galliéra.
Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
10, Avenue Pierre-1er-de-Serbie, 75116 Paris -